samedi 7 janvier 2012

La pâte de soja et autres aliments permettant de lutter contre les radiations



Depuis des mois, toutes sortes de conseils destinés à réduire les effets négatifs des radiations sur la santé circulent sur Internet, notamment au japon suite aux incidents nucléaires. Les consommateurs veulent se protéger un tant soit peu, même s'il n'existe qu'une faible proportion d'aliments dépassant le taux de radioactivité supérieur aux normes provisoires fixées par le gouvernement (par exemple, la quantité de césium autorisé dans les aliments est fixé à 500bq par kg pour les viandes, le poisson, les légumes et les fruits). Dans quelle mesure peut-on se fier à ces informations, telles que "Le miso est efficace", "La vitamine C marche bien" ?

• Le miso (pâte fermentée de soja)

La thèse selon laquelle "un repas à base de riz complet, de miso et d'algues a un pouvoir anti-radiations" est très répandue. Celle-ci est fondée sur le régime alimentaire mis au point par le Tatsuichiro Akizuki [1916-2005], médecin d'un hôpital de Nagasaki. Après le largage de la bombe sur cette ville, le 9 août 1945, il a établi avec dévouement un régime alimentaire pour les hibakusha [irradiés]. Le Dr Akizuki recommandait à ses patients des boulettes de riz complet salé et une soupe miso concentrée contenant beaucoup d'algues, de potimarron et autres, et leur interdisait le sucre. On dit que les gens qui ont suivi ce régime "ont pu survivre longtemps". Kunihiko Tominaga, directeur de la clinique Loma Linda de Fukushima, spécialisée dans la gynécologie et la médecine psychosomatique, en reconnaît les vertus : "Au regard des connaissances scientifiques actuelles, il n'est pas bon pour l'organisme de consommer trop de sel. Cependant, les repas constitués majoritairement de céréales, de soja, de légumes et de fruits sont toujours bons pour la santé. Les recherches du Dr Akizuki sont des données très précieuses".

Cette thèse selon laquelle on peut atténuer l'impact des radiations en mangeant du miso a été ensuite reprise par d'autres. L'expérience menée dans les années 90 par l'équipe de Hiromitsu Watanabe, ancien professeur de l'Institut de recherche sur la radiothérapie de l'Université de Hiroshima, est très intéressante. Des souris ont été soumises à des rayons X après avoir été nourries pendant une semaine d'une mixture comportant 10 % de miso rouge séché. Il apparaît que la régénération des cellules des intestins grêles des cobayes ayant ingéré du miso était plus importante que celle des souris qui avaient reçu une nourriture comportant du sel de table ou une nourriture normale. Les effets de la régénération étaient d'autant plus importants que le miso utilisé avait fermenté longtemps. En revanche, les chercheurs ont constaté qu'il n'y avait pas d'effet de régénération quand les souris recevaient du miso après avoir été exposées aux rayons X. Bien que l'on ignore le mécanisme de cet effet préventif du miso, les résultats de l'expérience révèlent ainsi que "si l'on se nourrit préventivement de miso, les effets nocifs des radiations sont atténués". Cependant, comme l'explique M. Watanabe, "on ne sait pas s'ils sont valables pour l'homme". Mais "comme il n'y a pas de contre-indication à manger de la cuisine au miso, je la recommande à titre personnel", ajoute-t-il.

• La vitamine C

L'autre thèse également répandue est celle de la vitamine C. Cet antioxydant aurait lui aussi un effet préventif sur les troubles dus aux radiations. Les expériences menées par le groupe de recherche de l'école de médecine de l'Université de la défense nationale (à Saitama, près de Tokyo) montrent que si l'on donne préventivement de la vitamine C à des souris exposées à de fortes doses de radiations, cela diminue le degré de déchirement de la muqueuse gastrique et augmente le taux de survie. On peut donc dire que cette vitamine atténue les troubles aigus des radiations. A l'étranger également, plusieurs rapports d'expériences effectuées sur des animaux prouvent les effets bénéfiques de la vitamine C, et montrent notamment que la prise préventive de vitamine C augmente le taux de survie des spermatozoïdes de souris.
"Je doute que l'on puisse appliquer à l'homme les résultats obtenus sur les souris. Dans la situation actuelle, aucune donnée n'étaie cette thèse", explique Akihito Ishigami de l'équipe de recherches sur le ralentissement du vieillissement du l'Hôpital gériatrique de Tokyo. Toutefois, la vitamine C est non seulement nécessaire au maintien d'une bonne santé, mais il est avéré que le corps en consomme plus sous l'effet notamment du stress psychologique. "Indépendamment du problème des troubles causés par les radiations, je conseille aux sinistrés de prendre de la vitamine C", rappelle M. Ishigami.

• La pectine

Qu'en est-il alors de la thèse selon laquelle la pectine, qui est une fibre alimentaire, décontamine l'organisme ? Dans le cadre des traitements donnés aux enfants contaminés de Tchernobyl, un groupe de chercheurs ukrainiens a tenté l'expérience de les nourrir pendant 18 à 25 jours d'une alimentation enrichie en pectine de pommes (à raison de 2 grammes par jour). Ils ont alors constaté que le taux de césium dans leurs corps avait diminué comparé aux enfants qui avaient reçu une nourriture placebo. Ils ont considéré de ce fait que "la pectine permet d'éliminer le césium lorsqu'elle est combinée à ce dernier". Certains spécialistes regardent ces résultats d'un œil sceptique, mais Kenji Tazawa, professeur honoraire à l'université Toyama qui a étudié pendant une trentaine d'années les effets de la pectine, explique : "Les expériences ayant été faites sur des êtres humains, ces données sont précieuses. Comme avec la cuisson, la pectine contenue dans la pomme augmente, si on fait réchauffer les pommes dans un four micro-onde et que l'on en mange une à deux fois par jour, cela devrait être efficace".

Il existe aussi beaucoup d'autres informations relatives aux différents compléments alimentaires, mais les tests ayant été faits principalement sur les animaux, il n'existe quasiment aucune donnée scientifiquement prouvée concernant leurs effets sur l'homme. Yoshiya Shimada, qui dirige l'équipe de chercheurs travaillant au National Institute of Radiological Sciences(NIRS), insiste : " Le problème posé par les radiations à faible dose, c'est le risque de cancer. Pour combattre ce risque, il suffit de faire attention au tabac, la suralimentation, les rayons ultraviolets et le manque d'exercice". Il n'en reste pas moins que les Japonais s'inquiètent de l'impact des radiations sur leur santé et que les consommateurs sont nombreux à chercher des mesures préventives. Pour M. Ishigami, "c'est au gouvernement de créer une cellule d'experts pour qu'il fasse davantage de recherches sur les moyens de réduire les troubles dus aux radiations".